NOS ADOLESCENTS ET INTERNET

L’approche du “Psy”

 

M’adressant à des adultes en responsabilité parentale et compte tenu de toutes les peurs qui nous étreignent dès qu’on parle des risques d’Internet et des écrans pour les adolescents, je veux commencer mon propos en disant que, comme pour bien d’autres choses, ce n’est pas Internet qui est dangereux mais certains usages qui en sont faits, en tenant compte, en outre, de la vulnérabilité personnelle de chacun.

Et je veux en souligner d’abord les usages bénéfiques:

Internet est une formidable source d’appropriation des connaissances. Pour la première fois dans l’histoire humaine, nos enfants ont accès, rapidement et dès qu’ils le souhaitent, aux savoirs les plus variés sans dépendre des enseignements délivrés par les adultes ni de l’acquisition de livres. Celui qui s’intéresse aux connaissances sur un sujet donné se fera un plaisir de s’approprier par sa recherche active les savoirs les plus “pointus” sur le sujet. Ceci doit être rappelé, même si on sait, et nous allons en donner des exemples, que trop d’information tue l’information et que cela peut avoir des effets pervers.

Par ailleurs, on sait l’importance des liens sociaux entre adolescents. Ils sont nécessaires à leur développement psychologique et social pendant cette phase particulière de leur développement. Et on sait à quel point tous les outils modernes sont utilisés par eux pour multiplier et renforcer les liens entre eux. J’ajoute que pour ceux qui, précisément, ont des difficultés à établir de bons liens avec leurs pairs dans la réalité quotidienne, les liens qu’ils établissent plus facilement avec des amis virtuels par Internet leur permettent de sortir de leur isolement.

Mais, bien sûr, je n’ignore pas les risques d’abus et de mésusages pendant cette période délicate de la vie des adolescents.

Beaucoup viennent d’être très justement décrits par l’intervenante précédente: le cyber-harcèlement et les usurpations d’identité. Il y a des risques de séduction sexuelle de la part de quelqu’un qu’on prend pour un pair et qui peut être un pervers. Il y a le risque de séduction idéologique qui peut amener progressivement un jeune à adhérer aux idéologies les plus extrêmes djihadistes, néonazies, complotistes et autres.

Mais, avant ces extrêmes, qui sont loin d’être la majorité, il y a tout simplement la question de l’effet produit par la découverte d’informations ou d’images mal supportées, mal comprises, que l’adolescent, surtout parmi les plus jeunes, est incapable de classer et de hiérarchiser: images sexuelles, images de violences… la seule parade aux conséquences funestes que cela peut avoir est la possibilité pour ce jeune d’en parler avec un adulte, parent ou adulte de confiance, qui l’aidera à exprimer son émotion et à relativiser et comprendre ce qu’il a découvert.

Et parmi les risques perçus par beaucoup d’adultes, il y a celui de l’addiction. Je ne compte plus les demandes parentales qui me sont adressées sur ce thème. “Il est toujours collé à son ordinateur, il en oublie ce qu’il a à faire, il oublierait presque de manger. C’est une addiction, Docteur, que faire?”

Voilà pourquoi il semble utile ce soir de clarifier les choses.

L’addiction existe: j’ai consacré à ce problème la majeure partie de ma vie professionnelle de soignant. Mais elle n’est pas nécessairement là où on la désigne. Par rapport à une consommation de substance, légale ou illégale, par rapport à une pratique qui peut aller jusqu’à l’addiction, comme le jeu, il faut distinguer trois possibilités: les usages “simples”, les usages abusifs ou à risque, les usages avec dépendance. Seuls les derniers usages méritent la qualification d’addiction. Et contrairement à l’idée reçue (qui a la vie dure) dite de l’escalade qui voudrait que l’on passe presque inexorablement de l’un à l’autre, donc que le simple usage va nécessairement déboucher sur la dépendance, il est essentiel de ne pas tout confondre et de distinguer ces trois catégories.

Usages “simples”

Avec les écrans, les réseaux sociaux, les jeux en ligne, les usages simples sont les plus fréquents parmi les adolescents. Ils sont récréatifs ou informatifs ou liés aux relations amicales. Ces usages peuvent laisser la place aux autres éléments de vie, autres loisirs et sports, vie scolaire, vie familiale… Les parents n’ont pas à s’en alarmer outre mesure. Il n’ont pas non plus à être sans cesse intrusifs. En revanche, il est nécessaire de montrer qu’on ne se désintéresse pas de ces usages, qu’on peut dialoguer à leur sujet: “Peux-tu me faire comprendre ce qui t’intéresse le plus dans ton jeu préféré? Fais-tu des connaissances nouvelles avec Internet?; il faut savoir trier le vrai du faux dans les informations qu’on reçoit et ne pas tout gober parce qu’Internet le dit, on peut en parler quand tu veux, etc…”. Aider l’adolescent à recevoir de façon critique et avec un peu de recul les informations et les images qu’il reçoit par Internet est une tâche difficile mais capitale pour un adulte proche en position d’éducateur. Tout n’est pas vérité dans ce qui est dit sur Internet.

Dans ce rôle éducatif indispensable auprès d’un adolescent, on pensera aussi à le faire réfléchir à l’avance sur les effets que va avoir ce qu’il poste sur la toile. L’impulsion d’un moment fera publier quelque chose qu’on pourra regretter ensuite. Un propos, une image, postés sur Internet peuvent blesser profondément celui qui est visé et cela n’est souvent pas du tout mesuré par celui qui les poste. Or, ce qui est posté sur Internet est publié définitivement et on en est responsable.

De même, le parent a sur ce sujet comme sur d’autres son rôle de repère, de rappel des balises: il est naturel de fixer des cadres et des limites en temps et en heures quant à l’utilisation de l’ordinateur, en dehors des recherches qui seraient purement à des fins scolaires.

Usages abusifs ou à risques.

Il n’est pas rare de voir un jeune consacrer “trop” de temps à ses connexions. Il est dans le rôle normal des parents et des éducateurs, on vient de le dire, de lui rappeler les limites, de l’inviter à ne plus les dépasser… Mais cela peut ne pas suffire pour que tout se régularise. C’est un champ possible de conflit parent/adolescent occasion pour lui d’outrepasser la volonté parentale, d’affirmer la suprématie du lien et du cyberlien avec ses amis… Ceci peut donc entrer dans le cadre du processus adolescent sans être symptome d’une quelconque pathologie. Ce n’est pas une raison pour les parents de “laisser tomber” car même s’ils ne sont pas obéis, ils doivent continuer de tenir leur place structurante de repères.

Mais je veux évoquer aussi une autre possibilité dans ces usages abusifs (encore une fois, on pourrait tenir le même raisonnement pour un usage abusif d’alcool ou autre…). Je pense ici aux cas où cet usage est un signal, le signe muet d’un problème éprouvé par l’adolescent: difficultés scolaires, difficultés relationnelles, angoisses, voire passage dépressif. Ici, plus que jamais il est nécessaire d’ouvrir un dialogue: “Ta vie est déséquilibrée en ce moment et tu la fais pencher fortement vers ton ordinateur: en es-tu conscient? Sais-tu toi même pourquoi?, on peut essayer d’en parler, de comprendre ensemble…”

Même s’il ne se précipite pas sur la voie ouverte du dialogue, le fait de voir ses adultes proches s’intéresser à lui, essayer de le comprendre, soucieux de l’aider si besoin était, cela va l’aider en de nombreux cas à traverser une période plus difficile au lieu de se vivre comme définitivement inintéressant et incompris.

Usages avec dépendance.

Ici s’ouvre un autre chapitre. Car, à la différence du cas précédent où les usages abusifs sont rééls mais vont être réversibles et se réduire quand l’adolescent va mieux, dans les grandes addictions, on est dans une conduite qui s’inscrit dans la longue durée et n’est que peu sensible aux aides proposées pas plus qu’au rappel des limites ou au rappel des dangers. Car il n’y a pas, en général, de grande et durable addiction , quelle qu’elle soit, par hasard. Elle est le symptôme de quelque chose de profond qui fait problème. Ce quelque chose a souvent des racines de longue date et n’est pas consciemment connu du jeune ni de ses proches. Il y avait des “facteurs de vulnérabilité” qui ont fait que la rencontre d’Internet est venue brusquement prendre une grande place donnant au jeune le sentiment d’oublier ou de dépasser son malaise diffus. La connexion est vite devenue un besoin impérieux qui rend tout manque insupportable. Ces cas sévères ne constituent qu’une petite minorité d’adolescents.

On comprend que l’aide des adultes telle que rappelée précédemment sera alors inefficace, même si elle doit toujours rester ouverte: on n’a pas affaire à des difficultés conjoncturelles d’un adolescent mais à des difficultés structurelles non visibles, qui plus est. Ici le recours à des aides spécialisées est particulièrement nécessaire. Ces aides, d’ailleurs, ne doivent pas être ciblées sur l’adolescent seul. Elles concernent aussi les parents.

Docteur Michel DAMADE

Intervention faite dans le cadre de la Conférence-débat

Interétablissements “Parent connecté en 2016”

Bègles, le 17 novembre 2016

Ouvrages de référence

Référence de textes ayant pour auteurs des membres de l’ex GRICA et/ou membres de  » Réseaux Ados « . Cette liste comporte :

  • Des articles publiés dans des revues professionnelles ou spécialisées,
  • Des ouvrages collectifs publiés ayant bénéficié de la contribution d’un auteur actuellement membre de « Réseaux Ados Gironde ».
  • Documents de travail non publiés dans des revues ou dans des ouvrages.

Cet échantillonnage a été initialement établi à l’intention des membres du Groupe de réflexions du REAAP33. Les adhérents et sympathisants de « Réseaux Ados Gironde », s’ils n’y ont d’autre accès, peuvent demander à l’association la communication d’une copie du « document primaire ».

  • DAMADE M. * L’information en matière de toxicomanies in « soins psychiatrie » Juillet-Août 1982, pp43-49.
  • DAMADE M. Prévention et information : le mythe épinglé in « Drogues » n°6 Nov-déc 1983, pp 24-27.
  • DAMADE M. Organisation de la politique des « relais » dans la Cité in « Le Bulletin » du CLCJ juin-sept 1986, pp 127-131.
  • DAMADE M. Importance du partenariat, intervention aux VIII èmes journées de l’ANIT, in « Interventions » revue ANIT, N°hors série Nov 1987, PP58-59.
  • DAMADE M. Usages de drogues et toxicomanies chez les adolescents – Comprendre et prévenir Texte dactylographié ayant servi de support à plusieurs conférences. 1990. 8 p.
  • GRICA, travail collectif Adolescence et pratiques de prévention au GRICA. Document de travail interne. Fév. 1999. 21 p.
  • Du VINAGE F.** Une pratique de prévention des conduites addictives Intervention aux journées de l’ANIT, Juin 1999, Texte dactylographié. 7 p.
  • DAMADE M. Prévention des dépendances – Quelques repères Texte pour la revue du CFES, « santé de l’Homme », 2000 . Le texte disponible est une version dactylographiée de Mai 2000. 5 p.
  • LAHOS J-F.*** Pour une prévention clinique in « Le courrier des addictions » (2) n°2, Juin 2000, pp75-80.
  • DAMADE M. La prévention en débat . Texte dactylographié pour un colloque avec nos partenaires. Sept 2000. 4 p.
  • LAHOS J-F. en coopération avec l’équipe du GRICA Pour une prévention clinique version retouchée et dactylographiée; Oct 2003.

Pour mémoire

  • DAMADE M. Repères sur l’adolescence à l’usage des parents. Résumé de l’intervention faite aux Etats Généraux du REAAP, plénière du 15 Nov 2008. texte dactylographié ; 2 p.

Contributions nominatives à des ouvrages collectifs

  • DAMADE M. Rôle des parents in Prévention des conduites addictives – Guide d’intervention en milieu scolaire. Ministère de l’Education Nationale. Mars 2006. pp42-43.

Contributions non nominatives à des ouvrages collectifs

  • Série de brochures publiées par la DDASS de la Gironde « Toi et la drogue dossiers du Médecin, les dossiers du Pharmacien, les dossiers de l’Educateur (milieu scolaire). Il s’y rajoute : les dossiers du Travailleur Social (1988) à la demande du Ministère des Affaires Sociales et de l’Emploi.
  • Rapport PARQUET « pour une prévention de l’usage des substances psychoactives » , à la demande de la MILDT ; CFES 1998.
  • Prévention de l’usage de drogues . CFES et MILDT Janvier 2002. 70 p.

Travail de synthèse

  • DAMADE M. A propos de la Prévention Texte dactylographié destiné au Groupe de Réflexion du REAAP . Mars 2012. 4 p

 

* Michel DAMADE, Psychiatre Option Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Selon les époques de publications, Psychiatre au CEID, Responsable du Centre Pey-Berland du CEID, Directeur du GRICA, Psychiatre à temps partiel du GRICA, Pédosychiatre libéral. Actuellement Président de « Réseaux Ados Gironde ».
** Frank du VINAGE, Psychologue clinicien, Directeur du GRICA
*** Jean-François LAHOS, Psychologue Clinicien au GRICA

A propos de la prévention

Texte de synthèse sur la Prévention – Michel DAMADE, Président de Ré-A-Gir pour un groupe de travail du REAAP 33 – Mars 2012

Que retenir de la profusion de travaux et d’écrits sur la prévention auxquels nous avons contribué depuis 30 ans ?

On le vérifie depuis longtemps, il s’agit d’un concept-valise, fourre-tout qui va de la prévention de la poliomyélite à la prévention routière, de la prévention des accidents domestiques des petits à celle de l’échec scolaire en passant par la prévention de la violence et autres conduites de risque.

Même si on précise le domaine, où et quand doit se porter la prévention ? Le mot lui-même indique une action se situant avant que ne survienne le problème. Mais s’il commence à apparaître, n’y aurait-il plus de prévention ? L’O.M.S. (Organisation Mondiale de la Santé) a proposé, pour préciser ce point, de distinguer trois niveaux de prévention.

  • Vis à vis d’une pathologie, d’une altération X de la santé on considère : La Prévention primaire : tout ce qui se fait en amont de toute apparition problème pour qu’il ne survienne pas. Exemple: la vaccination pour une maladie infectieuse.
  • La Prévention secondaire : à la survenue du trouble ou de la maladie, tout ce qui empêche son extension et son aggravation. Exemple: la mise en œuvre la plus rapide possible des soins pour une maladie.
  • La Prévention tertiaire : Tout ce qui concourt à éviter les séquelles et rechutes et favorise s’il y a lieu la réinsertion. Exemple: la rééducation Kiné après une fracture.

Que veut-on prévenir

De toute manière, pour envisager toute stratégie de Prévention, il est indispensable de préciser ce que l’on veut prévenir et à quel niveau, et ce n’est qu’ensuite qu’on peut choisir des méthodes préventives qui conviennent. Ainsi :

Pour la prévention primaire d’une maladie infectieuse (choléra, grippe, etc…) la méthode que l’on pourrait qualifier d’ « hygiéniste » ou « Pasteurienne » est bien adaptée : Conseils hygiéno-diététiques (se laver les mains, ne pas laisser les malades contaminer l’air et l’eau, éviter les contacts avec eux …) et vaccination si elle existe. Et ça marche. Des millions de vies humaines ont été épargnées depuis l’application de ces modalités préventives.

Pour la Prévention des troubles des conduites chez l’adolescent, les choses sont beaucoup plus complexes. On a voulu essayer le schéma pasteurien sur certaines, les toxicomanies par exemple. Il n’y a pas de vaccination, alors restent l’évitement de l’agent causal (la « drogue ») par la prohibition et l’information sur les risques. Et ça ne fonctionne pas.

La prohibition du cannabis en France n’a pas empêché depuis 40 ans sa grande banalisation chez les jeunes et les trafics en tous genres. On le savait déjà depuis l’expérience désastreuse de la prohibition de l’alcool aux USA.

La connaissance des risques ne suffit pas à détourner un adolescent qui s’expérimente à des découvertes nouvelles de franchir le pas, au moins « pour voir », fût-ce en transgressant. Et c’est encore plus vrai quand la conduite est sous-tendue chez certains sujets fragiles par la quête du risque (conduites ordaliques). La connaissance des risques, pour eux, loin d’être préventive est incitatrice.

C’est que les conduites de prise de risque chez les ados ne sont pas réductibles à la contamination par un agent causal extérieur et sont d’abord liées à la dynamique interne de l’adolescent dans ses rapports avec lui-même, sa famille, ses copains et le reste du corps social.

Pourtant beaucoup de bonnes âmes s’obstinent à croire que l’information reste la clé de voûte de la Prévention des troubles des conduites. Les conseils diététiques n’ont jamais enrayé les troubles des conduites alimentaires. L’exposé des risques n’a jamais empêché un sujet en quête de risques de s’y exposer lui-même. Dans toutes ces démarches ou croit utile de dire encore et encore des choses aux adolescents et on néglige le fait qu’il faudrait d’abord lui donner la parole à défaut de laquelle ce sont les actes qu’il nous livre.

Tendances actuelles chez les « préventologues »

Toute la période récente a vu se préciser chez nombre de théoriciens de la Prévention de par le monde des tendances que l’on peut ainsi résumer

  • Il faut de mieux en mieux préciser ce que l’on veut prévenir. Par exemple en matière de consommations de substances psychotropes, ce ne sera pas la même prévention que celle de l’initialisation (en amont des premiers essais de consommation) par rapport à la prévention des risques chez des sujets déjà consommateurs, ni que la prévention du passage à la dépendance. (cf. Rapport Parquet).
  • Il faut en analyser :
    • les facteurs favorisants, les facteurs de risques ;
    • les facteurs de vulnérabilité ;
    • les facteurs de protection.
  • A partir de quoi on détermine des stratégies individuelles et collectives pour réduire les facteurs favorisant le problème et les facteurs de vulnérabilité, et pour renforcer les facteurs de protection.
  • Toutes ces stratégies ne sauraient rester des actions « coup de poing sans lendemain mais s’inscrire dans la durée.
    Cela concerne tout le monde dans la Cité : professionnels, élus, parents,

Place de la « Prévention clinique »

Reprenons la question de l’émergence de troubles des conduites chez l’adolescent. La pratique nous amène à distinguer deux grandes catégories de cas :

Premier cas

Les adolescents sans troubles structurels de la personnalité qui traversent une période de crise, de souffrance psychique, de difficulté parfois intense avec eux-mêmes ou leurs proches. Par hypothèse, nous disons que cela est transitoire et réversible, mais ils ne le savent pas. Parfois leur comportement leur fera prendre des risques tels que les conséquences seraient irréversibles. Tout va dépendre de ce qui va les aider à gérer ce passage.

On le voit, il ne s’agit pas d’adolescents pathologiques. Mais la suite dépend de ce qu’ils vont rencontrer comme propositions. Nous sommes ici à la fois en Prévention primaire et à l’orée de la Prévention secondaire. Et on est au « cas par cas ».

Grâce à l’émergence de ces signaux d’alarme ou signaux d’appel, on va proposer une rencontre personnalisée, une prise en compte de sa parole, une tentative de formulation de ce qui se passe…Sans perdre de vue que l’inconscient est à l’œuvre. Et on peut faire la même proposition, par ailleurs, aux parents, aux proches.

C’est la Prévention Clinique.

Deuxième cas

Ainsi, l’émergence de ces symptômes qui s’installent souvent de façon stéréotypée et dans la longue durée permet leur évaluation précoce et l’accès rapide aux soins adaptés. On est là dans le premier volet de la Prévention secondaire. Mais, là encore, il s’agit de permettre la rencontre au cas par cas avec un sujet et de prendre en compte sa parole. On est encore dans la Prévention clinique. Si on veut garder la référence aux 3 niveaux de Prévention de l’OMS (ce n’est pas obligatoire !), disons que le champ privilégié de la prévention clinique se situe à un niveau « primo-secondaire » et reste en amont des soins, même si la facilitation de l’accès précoce aux soins s’ils sont nécessaires en fait partie.

Les mêmes sujets, par-delà les soins, peuvent bénéficier aussi d’une prévention de type tertiaire, par exemple pour les toxicomanes, les stratégies de réduction des risques tant qu’ils ne sont pas abstinents, risques infectieux par les seringues (hépatite C, SIDA…), risques toxiques et judiciaires par l’usage de produits du trafic (d’où les politiques de substitution), et on y rajoute tout le travail de réinsertion sociale pour ceux qui en ont besoin.

Débat

Alors, sur ces cas, peut-il y avoir une Prévention primaire ? Et la parentalité ?

Beaucoup, à cet égard ont des doutes… Bien sûr, quand on est face aux sujets ayant de longue date des troubles dans la structuration de leur personnalité, on n’est plus en Prévention primaire. Quelque chose dans le passé a dysfonctionné. Mais y aurait-il eu d’autres possibles avec des actions préventives adéquates ? Peut-on en tirer des enseignements sur une Prévention très en amont applicable aux jeunes enfants d’aujourd’hui qui seront les adolescents de demain et à leurs parents ?

Nous osons répondre oui, mais en restant humbles et sans naïveté. On a dit qu’il fallait analyser les divers facteurs des problèmes. Et ici, on est dans le particulièrement complexe et le multi factoriel. Cela concerne l’élaboration du psychisme de l’enfant tant du point de vue conscient qu’inconscient ; les interactions affectives et éducatives avec les parents ; le contexte social et économique dans lequel tout ceci évolue… L’espace de cet article de synthèse ne nous permet pas de développer tous ces aspects. Ce qui nous paraît certain et que nous voulons souligner pour terminer, c’est que l’analyse des facteurs anciens rencontrés chez nombre de jeunes ayant des troubles graves des conduites, conduites addictives notamment, met en lumière la fréquence de deux types de dysfonctionnements, tous deux affectant le processus de « séparation-individuation » :

  • Soit la rupture précoce et traumatique du lien parental (dans le vécu de l’enfant)
  • Soit le maintien exagéré des liens archaïques de dépendance.

Ainsi, parmi les innombrables actions à mener qui participeront à la Prévention, l’accompagnement des parents, la valorisation de la parentalité, la réassurance, si elle est nécessaire, des parents sur leurs compétences, et leur soutien s’ils en ont besoin, ont toute leur place. Tout ce qui fait un tiers bienveillant, tiers à la fois séparateur et soutien dans le processus de séparation de la relation archaïque (classiquement attribué à la « fonction paternelle »), telles les « Maisons vertes » imaginées par F. DOLTO, ou d’autres de nos structures où professionnels, autres parents et enfants eux-mêmes constituent des tiers les uns pour les autres, tout ceci concourt à la prévention primaire des troubles les plus sévères de la structuration de la personnalité.

Référence de textes ayant pour auteurs des membres de l’ex GRICA et/ou membres de  » Réseaux Ados « . Cette liste comporte :

  • Des articles publiés dans des revues professionnelles ou spécialisées,
  • Des ouvrages collectifs publiés ayant bénéficié de la contribution d’un auteur actuellement membre de « Réseaux Ados Gironde ».
  • Documents de travail non publiés dans des revues ou dans des ouvrages.

Cet échantillonnage a été initialement établi à l’intention des membres du Groupe de réflexions du REAAP33. Les adhérents et sympathisants de « Réseaux Ados Gironde », s’ils n’y ont d’autre accès, peuvent demander à l’association la communication d’une copie du « document primaire ».

  • DAMADE M. * L’information en matière de toxicomanies in « soins psychiatrie » Juillet-Août 1982, pp43-49.
  • DAMADE M. Prévention et information : le mythe épinglé in « Drogues » n°6 Nov-déc 1983, pp 24-27.
  • DAMADE M. Organisation de la politique des « relais » dans la Cité in « Le Bulletin » du CLCJ juin-sept 1986, pp 127-131.
  • DAMADE M. Importance du partenariat, intervention aux VIII èmes journées de l’ANIT, in « Interventions » revue ANIT, N°hors série Nov 1987, PP58-59.
  • DAMADE M. Usages de drogues et toxicomanies chez les adolescents – Comprendre et prévenir Texte dactylographié ayant servi de support à plusieurs conférences. 1990. 8 p.
  • GRICA, travail collectif Adolescence et pratiques de prévention au GRICA. Document de travail interne. Fév. 1999. 21 p.
  • Du VINAGE F.** Une pratique de prévention des conduites addictives Intervention aux journées de l’ANIT, Juin 1999, Texte dactylographié. 7 p.
  • DAMADE M. Prévention des dépendances – Quelques repères Texte pour la revue du CFES, « santé de l’Homme », 2000 . Le texte disponible est une version dactylographiée de Mai 2000. 5 p.
  • LAHOS J-F.*** Pour une prévention clinique in « Le courrier des addictions » (2) n°2, Juin 2000, pp75-80.
  • DAMADE M. La prévention en débat . Texte dactylographié pour un colloque avec nos partenaires. Sept 2000. 4 p.
  • LAHOS J-F. en coopération avec l’équipe du GRICA Pour une prévention clinique version retouchée et dactylographiée; Oct 2003.

Pour mémoire

  • DAMADE M. Repères sur l’adolescence à l’usage des parents. Résumé de l’intervention faite aux Etats Généraux du REAAP, plénière du 15 Nov 2008. texte dactylographié ; 2 p.

Contributions nominatives à des ouvrages collectifs

  • DAMADE M. Rôle des parents in Prévention des conduites addictives – Guide d’intervention en milieu scolaire. Ministère de l’Education Nationale. Mars 2006. pp42-43.

Contributions non nominatives à des ouvrages collectifs

  • Série de brochures publiées par la DDASS de la Gironde « Toi et la drogue dossiers du Médecin, les dossiers du Pharmacien, les dossiers de l’Educateur (milieu scolaire). Il s’y rajoute : les dossiers du Travailleur Social (1988) à la demande du Ministère des Affaires Sociales et de l’Emploi.
  • Rapport PARQUET « pour une prévention de l’usage des substances psychoactives » , à la demande de la MILDT ; CFES 1998.
  • Prévention de l’usage de drogues . CFES et MILDT Janvier 2002. 70 p.

Travail de synthèse

  • DAMADE M. A propos de la Prévention Texte dactylographié destiné au Groupe de Réflexion du REAAP . Mars 2012. 4 p

 

* Michel DAMADE, Psychiatre Option Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Selon les époques de publications, Psychiatre au CEID, Responsable du Centre Pey-Berland du CEID, Directeur du GRICA, Psychiatre à temps partiel du GRICA, Pédosychiatre libéral. Actuellement Président de « Réseaux Ados Gironde ».
** Frank du VINAGE, Psychologue clinicien, Directeur du GRICA
*** Jean-François LAHOS, Psychologue Clinicien au GRICA